De grands détaillants complices du pillage du krill dans l’Antarctiqu

11 Aug 2021 Fishing the Feed Protecting the Krill

Une enquête alerte sur la nécessité d’une action immédiate

Un nouveau rapport d’enquête1 de la fondation Changing Markets montre que les grands détaillants vendent régulièrement des compléments alimentaires et du poisson d’aquaculture produits à partir de krill de l’Antarctique, un minuscule crustacé essentiel à la bonne santé de la planète, qui contribue notamment à ralentir le changement climatique en retirant chaque année de l’atmosphère l’équivalent des émissions de 35 millions de voitures2.

Le rapport intitulé « Krill, baby, krill: The corporations profiting from plundering Antarctica » (« Krill, baby, krill : les sociétés profitant du pillage de l’Antarctique ») révèle le nom des grandes entreprises qui bénéficient de cette industrie, examine leurs prétentions en matière de durabilité et présente pour la première fois un tableau complet de leurs principales chaînes d’approvisionnement.

« Les vagues de chaleur et les sécheresses que nous avons connues cet été sont un puissant rappel de l’imminence de la crise climatique. Le krill n’est pas seulement un incroyable animal du fait de son rôle dans l’antarctique ; il contribue également à combattre le changement climatique. En continuant à vendre du saumon élevé au krill et des compléments alimentaires coûteux à base d’huile de krill, de grands supermarchés se font les complices de l’épuisement de la principale source de nourriture des baleines, des phoques et des manchots, alors que ces animaux sont déjà soumis à une pression extrême en raison du réchauffement climatique », explique Sophie Nodzenski, Senior Campaigner à Changing Markets Foudation.

 

Le rapport montre que les compléments alimentaires à base d’huile de krill sont vendus par 68 % des 50 plus grands détaillants mondiaux. Ces produits étaient vendus par 88 % des 17 détaillants nord-américains, 75 % des 8 détaillants asiatiques et pratiquement la moitié des 21 détaillants européens examinés dans le cadre de l’enquête.

 

De plus, les produits à base de saumon élevé au krill sont couramment vendus par 16 grandes chaînes de supermarchés dans quatre pays européens : Auchan, Carrefour, Intermarché et Leclerc (France) ; Carrefour, Dia, Lidl et Mercadona (Espagne) ; Aldi Nord, Edeka, Kaufland et Lidl (Allemagne) ; et Asda, Marks & Spencer, Sainsbury’s et Tesco (Royaume-Uni). Des liens ont pu être établis entre ces détaillants et une alimentation animale à base de krill (provenant de l’entreprise norvégienne Aker BioMarine) à travers leurs chaînes d’approvisionnement en saumon. Aucun n’avait adopté de politiques excluant l’utilisation du krill dans l’alimentation des saumons utilisés pour les produits de leur propre marque.

Les scientifiques nous alertent que l’écosystème de l’Antarctique est déjà en train de devenir instable du fait de la rapide accélération du réchauffement mondial. Dans son dernier rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a mis en doute la durabilité de l’exploitation du krill et la viabilité des chaînes d’approvisionnement, et il a conseillé aux producteurs d’avoir recours à des solutions alternatives3. La santé de cet écosystème vulnérable repose sur le krill qui sert de nourriture à une multitude d’espèces. Pourtant, bien des zones de pêche au krill chevauchent des aires d’alimentation essentielles pour ces espèces, ce qui pousse les scientifiques à recommander l’arrêt de la pêche au krill dans les zones clés afin de compenser les effets négatifs du changement climatique sur les populations de manchots4.

L’enquête souligne que l’industrie de la pêche au krill est concentrée entre les mains d’un petit nombre d’entreprises, dont la compagnie norvégienne Aker Biomarine qui est responsable d’environ deux tiers du total des captures. Le rapport révèle une série de tactiques industrielles pour camoufler leurs impacts néfastes, par exemple en utilisant une technique de greenwashing bien connue, en faisant croire aux consommateurs que leur produit sont durables. L’industrie pousse aussi jusqu’à affirmer que la limite de captures actuelle est prudente puisqu’elle ne représente « que 1 % de la biomasse de krill », mais ne reflète pas son impact sur l’écosystème vulnérable de l’Antarctique, en particulier dans un contexte d’accélération du changement climatique. Cette illusion de durabilité est renforcée par le Marine Stewardship Council (MSC) qui certifie les produits à base de krill comme durables, malgré les objections constantes des ONGs et scientifiques.

 

Les acteurs de l’industrie ont dû légitimer l’existence des produits à base de krill par des recherches et des études réalisées pour promouvoir leurs bienfaits et ainsi justifier leur prix élevé. Or, à ce jour, la plupart de ces études – souvent initiées par l’industrie elle-même – ont donné des résultats mitigés. Pourtant, l’industrie n’abandonne pas elle tente toujours désespérément de créer de nouveaux produits et marchés, tels que les aliments pour animaux de compagnie, pour soutenir leurs activités non rentables.

 

En raison des échecs répétés de la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR) à réglementer correctement l’industrie de la pêche au krill par le renforcement des mesures de protection environnementale et la création d’aires marines protégées, la fondation Changing Markets appelle à un moratoire immédiat sur la pêche au krill dans l’Antarctique. Elle invite aussi les détaillants, les producteurs d’aliments pour animaux et les fermes piscicoles à éliminer progressivement la capture de poissons sauvages, dont le krill, au service de l’aquaculture. Elle recommande aux consommateurs de ne plus utiliser de compléments alimentaires à base d’huile de krill et de demander aux supermarchés d’éliminer progressivement l’utilisation du krill dans les produits de la mer d’élevage.

« La pêche au krill est une industrie intrinsèquement destructrice et peu rentable, qui fait preuve d’une remarquable habileté à dissimuler l’impact environnemental réel de ses activités. À l’occasion de la toute première Journée mondiale du krill, nous demandons instamment aux supermarchés de cesser de vendre des produits à base de krill.», déclare Sophie Nodzenski.

Le lancement de ce rapport coïncide avec la toute première Journée mondiale du krill, une journée destinée à célébrer cette espèce importante et à nous sensibiliser du rôle clé qu’elle joue dans l’écosystème antarctique.

Contact:

contact@changingmarkets.org

 

Notes aux responsables de publications :

  1. Lien pour accéder au rapport : https://changingmarkets.org/portfolio/fishing-the-feed/
  2. Le krill peut retirer jusqu’à 23 millions de tonnes de carbone de l’atmosphère terrestre chaque année en le transportant de la surface vers les fonds marins. Pew Charitable Trusts, https://www.pewtrusts.org/en/research-and-analysis/articles/2019/10/18/tiny-antarctic-krill-play-big-role-in-climate-mitigation
  3. GIEC 2022 GT II
  4. Klein et al. (2018), https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0191011#pone-0191011-g001

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