France. Graves lacunes des supermarchés dans la protection des océans et l’information des consommateurs (French)
- Alors que les Français sont les troisièmes plus grands consommateurs européens de produits de la mer, après l’Espagne et le Portugal, ils ignorent les conséquences de l’industrie aquacole
- Les supermarchés français ne garantissent pas la durabilité de leur chaîne d’approvisionnement en produits aquacoles ni la réduction de leur impact sur les écosystèmes marins
- Sur la fiche d’évaluation de la durabilité des produits de la mer, quatre des huit supermarchés analysés obtiennent un score inférieur à 5%, Casino termine en bas de la liste avec 2,10 %, Intermarché obtient seulement 14,60 % et seul Auchan a un score supérieur à 30 %
- La Fondation Changing Markets demande au secteur de l’aquaculture et aux supermarchés de s’engager à éliminer de leurs chaînes d’approvisionnement les farines et les huiles provenant de poissons sauvages d’ici 2025
L’utilisation de poissons sauvages pour nourrir les poissons d’élevage a des répercussions dramatiques sur les écosystèmes marins et la sécurité alimentaire. Le nouveau rapport de la Fondation Changing Markets, Dans les mailles du filet. Comment les grandes surfaces françaises font face à l’utilisation de poissons sauvages dans les chaînes d’approvisionnement aquacoles, dénonce les faibles performances des supermarchés en matière de durabilité et leur manque de transparence.
Changing Markets a classé les huit principaux acteurs de la grande distribution en France (E.Leclerc, Intermarché/Les Mousquetaires (+Netto), Système U/Enseigne U, Auchan, Carrefour, LIDL, Géant/Casino et ALDI). Il existe des différences notables concernant le niveau d’information que les enseignes sont prêtes à fournir. Quatre d’entre elles reconnaissent la présence de farine et d’huile d’espèces sauvages dans les aliments aquacoles employés par leurs fournisseurs (Auchan, Carrefour, Système U et Intermarché/Les Mousquetaires). Trois d’entre elles envisagent d’en réduire l’utilisation (Auchan, Carrefour, Système U) et une seule (Auchan) aurait pour objectif de l’éliminer à terme sans définir d’échéance. Dans tous les cas, aucun plan d’action concret n’a été établi proposant des alternatives durables pour la gamme complète des produits aquacoles.
« Les consommateurs peuvent difficilement avoir des exigences auprès des distributeurs car on leur cache les problèmes socio-environnementaux créés par les chaînes d’approvisionnement aquacoles, ajoute Juan-Felipe Carrasco, chercheur à la Fondation Changing Markets. Les supermarchés manquent de transparence, il est impossible de connaître le mode de production et/ou le pays d’origine de beaucoup de produits ».
Le rapport Dans les mailles du filet est le 6ème volet d’une étude européenne déjà menée en Espagne, au Royaume-Uni, en Autriche, en Suisse et en Allemagne. L’analyse des différents résultats montre que les enseignes ont des politiques très diverses d’un pays à l’autre, même au sein d’un même groupe. Il est surprenant qu’une entreprise comme Carrefour, qui devrait avoir une politique de groupe sur des sujets aussi importants, ait obtenu des résultats si différents en France (27 %) et en Espagne (8,5 %). Le classement de la France est particulièrement décevant. Seule une enseigne, Auchan, dépasse à peine les 30%.
Le rapport souligne également que les clients sont de plus en plus incités à consommer des produits au mode de production problématique, comme le saumon et les crevettes, dont les nombreux produits dérivés font l’objet de campagnes marketing agressives alors que des produits aquacoles de moindre impact sont disponibles.
Dans le cadre de son enquête, la fondation Changing Markets a enfin réalisé une analyse juridique pour établir si les supermarchés français sont en conformité avec la législation française et européenne sur l’étiquetage. Le résultat montre une absence de données complètes et correctes pour les consommateurs. Les produits examinés dans le cadre de l’analyse manquaient presque tous d’une ou plusieurs informations essentielles. Le plus souvent, il manquait le nom scientifique de l’espèce et, dans plusieurs cas, la méthode de production ou le pays d’origine n’étaient pas mentionnés – ou du moins pas indiqués clairement. A la lumière de ces résultats, la fondation demande aux autorités françaises de lancer une enquête pour établir si les enseignes de la grande distribution françaises agissent ou non en conformité avec la loi sur l’étiquetage actuellement en vigueur.
Le paradoxe de l’aquaculture comme solution durable
L’aquaculture, un secteur en plein essor qui fournit actuellement plus de la moitié du poisson consommé à l’échelle mondiale, est présentée comme une solution aux problèmes liés à la surexploitation des océans. Au lieu d’extraire les poissons de leur milieu naturel, nous pouvons les “cultiver”, soi-disant sans atteindre les limites environnementales. Cependant, près d’un cinquième des débarquements mondiaux de poisson sauvage (soit 15 millions de tonnes) sont actuellement utilisés pour produire de la farine et de l’huile de poisson qui alimentent l’élevage aquacole et, dans une moindre mesure, l’élevage des porcs et de la volaille, alors que ce poisson pourrait être utilisé pour nourrir l’humanité directement.
Outre ses conséquences sur les écosystèmes marins, l’aquaculture met en péril les moyens de subsistance des populations et des communautés qui en dépendent. De précédentes enquêtes de terrain menées par Changing Markets ont révélé les importants dommages sociaux et environnementaux causés en Gambie, en Inde et au Vietnam. Par exemple, en Gambie, dont la population dépend du poisson pour se nourrir, le volume de pêche d’une seule usine d’alimentation aquacole représentait environ 40% du total des captures de poisson déclarées du pays en 2016.
« Dans la période que nous vivons, avec une pandémie qui engendre une augmentation de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire au niveau mondial, il est urgent que les consommateurs sachent que des communautés d’Afrique de l’Ouest, du Pérou, du Vietnam et d’ailleurs subissent les impacts négatifs de l’industrie aquacole européenne. Nous ne sommes pas correctement informés sur ce que nous achetons. Les produits de la mer cultivés, y compris le saumon et les crevettes, contribuent à l’effondrement des stocks de poissons sauvages et accaparent une source essentielle de protéines des communautés les plus pauvres du monde sous couvert d’un secteur plus durable », explique Juan-Felipe Carrasco.
Les enseignes ne prennent pas non plus en compte les méthodes d’élevage et d’abattage cruelles qui sont couramment utilisées dans les exploitations aquacoles. Elles ne disposent pas de politiques permettant d’inscrire sur liste noire les fermes aquacoles présentant des taux de mortalité élevés, un indicateur important du bien-être des poissons. De plus, chaque année, des milliards de poissons sauvages meurent lentement sur des navires de pêche industrielle pour alimenter ces élevages intensifs.
La complexité des chaînes d’approvisionnement combinée à un manque de transparence pousse la grande distribution à s’appuyer sur des garanties de durabilité comme les certifications et les labels (tels que l’Aquaculture Stewardship Council (ASC), MarinTrust, le Label Rouge et le Label AB). Cependant, ceux-ci ne n’excluent pas l’utilisation de farine et d’huile de poisson sauvage (le Label Rouge préconise même une teneur en “ingrédients marins” bien plus élevée que la moyenne pour les produits vendus sous sa marque). En particulier, le label MarinTrust, très lié aux producteurs de farine et l’huile de poisson, soulève de nombreuses inquiétudes quant à son indépendance et à ses méthodologies. Enfin, la plupart d’entre eux n’ont aucun critère solide concernant le bien-être des espèces d’élevage.
Un modèle véritablement responsable, condition essentielle de la préservation des océans
« Les supermarchés ont un pouvoir d’influence considérable, déclare Juan-Felipe Carrasco. Dans leur rôle d’intermédiaires entre les producteurs aquacoles et les consommateurs, ils sont les acteurs les plus puissants du marché. Ils ont le devoir de mener le changement dans la gestion des océans. ».
Les distributeurs décident des règles de production alimentaire tout au long de leurs chaînes d’approvisionnement et, à ce titre, ont la responsabilité de faire en sorte que leurs fournisseurs s’assurent d’une bonne gestion des océans. Ils doivent aussi être transparents sur la provenance et le mode de production des produits proposés.
Pour garantir le respect des limites naturelles des stocks de poissons, la Fondation Changing Markets demande au secteur de l’aquaculture et aux supermarchés de s’engager à éliminer de leurs chaînes d’approvisionnement les farines et les huiles provenant de poissons sauvages d’ici 2025, en trouvant des produits alternatifs, sans impact socio-environnemental, tout en informant ses consommateurs. Les grandes enseignes doivent également adopter des normes élevées de transparence et aborder avec le plus haut niveau de priorité, les problèmes graves liés au bien-être et à la mortalité des animaux dans les exploitations aquacoles.
Notes aux rédacteurs
Le classement a été réalisé selon un système permettant d’évaluer leur efficacité à protéger les océans en proposant des produits aquacoles (poissons et fruits de mer d’élevage) de la mer dont la production est durable. Les scores détaillés des différentes enseignes sont disponibles dans le document Faits et Chiffres et le rapport.
Précédents rapports sur l’effondrement des stocks de poissons, les pratiques de pêche illégales et le détournement de poissons propres à la consommation humaine :
– Petits poissons ne deviendront pas grands : comment l’aquaculture industrielle pille les océans (résumé en français, rapport intégral en anglais)
– Fishing for Catastrophe : comment les chaînes d’approvisionnement aquacoles détruisent les stocks de poissons sauvages et privent les gens de nourriture en Inde, au Vietnam et en Gambie (résumé en français, rapport intégral en anglais)
– What Lies Beneath: Uncovering the truth about Peru’s colossal fishmeal and fish oil industry (rapport intégral en anglais)
– Dead Loss : The high cost of poor farming practices and mortalities on salmon farms (rapport en anglais)
Média kit disponible à ce lien avec:
– Faits et chiffres
– Rapport
– Photos libres de droit
– Vidéo
– Infographies Nourrir l’aquaculture et Comment l’élevage affecte-t-il le bien-être des poissons ?
– https://www.fishingthefeed.com/fr sera actif à la levée de l’embargo
Contact Presse
press@changingmarkets.org
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Fondation Changing Markets Changing Markets est une fondation néerlandaise qui mène des campagnes internationales visant les entreprises afin d’accélérer la mise en place de solutions aux défis environnementaux et sociaux actuels.
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