La stratégie verte de la mode aggrave la pollution aux microplastiques – étude
La stratégie verte de la mode aggrave la pollution aux microplastiques – étude
Les vêtements Nike sont les plus polluants parmi 5 marques testées
Les allégations vertes de Shein sont-elles fausses ? Les résultats de laboratoire soulèvent de nouvelles questions
10 décembre 2025
Le polyester a radicalement changé la mode, permettant aux marques d’inonder le monde de vêtements jetables, multipliant ainsi les déchets et la pollution [1]. Une nouvelle étude en laboratoire a révélé que la principale réponse de l’industrie à ces problèmes environnementaux aggrave en réalité la pollution par les microplastiques.
Plus de 100 marques affirment que le polyester recyclé à partir de bouteilles en plastique peut contribuer à réduire la pollution et d’autres problèmes environnementaux. Le « défi » lancé à l’industrie pour passer au polyester recyclé s’achève ce mois-ci. Chez Adidas, H&M, Puma et Patagonia, la quasi-totalité du polyester qu’ils utilisent est passé de vierge à recyclé sous couvert de développement durable [2].
Mais de nouvelles recherches en laboratoire, publiées aujourd’hui par l’organisation à but non lucratif Changing Markets Foundation, ont révélé que, lors du lavage, le polyester recyclé créait 55 % de particules de pollution aux microplastiques de plus en moyenne que le polyester vierge, moins fragile. Il est même apparu que les particules étaient près de 20 % plus petites, donc plus à même de se répandre dans l’environnement et de provoquer des dommages [3].
Un seul cycle de lavage peut libérer jusqu’à 900 000 fibres de microplastique. Les microplastiques sont maintenant si répandus que nous les retrouvons dans les endroits les plus extrêmes et ils circulent dans tous les environnements : sol, air, eau et organismes vivants. Ils ont été retrouvés dans un grand nombre d’organes humains et ils sont liés à de plus en plus de problèmes de santé [4].
L’étude s’est concentrée sur un nombre relativement faible de vêtements fabriqués par cinq grandes marques, et les résultats ne sont qu’une indication des taux de pollution probables. Des t-shirts, des hauts, des robes et des shorts vendus par Adidas, H&M, Nike, Shein et Zara ont été testés. D’après Changing Markets, cette étude est la première à effectuer une comparaison entre marques de la pollution aux microplastiques. Les marques sont parmi les plus grands producteurs et utilisateurs de tissus synthétiques du monde de la mode, selon une récente enquête de Changing Markets.
Les vêtements en polyester de Nike se sont révélés être les plus polluants, que ce soit pour les tissus vierges comme les tissus recyclés. Le polyester recyclé de la marque a perdu plus de 30 000 fibres par gramme d’échantillon de vêtement en moyenne, soit près de quatre fois la moyenne de H&M et plus de sept fois la moyenne de Zara.
Si de son côté Shein s’est démarquée, c’est parce que ses vêtements en polyester recyclé libèrent à peu près autant de microplastiques que ses vêtements en polyester vierge. Changing Markets soupçonne que certains des vêtements testés portant la mention de polyester recyclé sur leurs étiquettes pourraient en fait avoir été fabriqués à partir de polyester vierge. La « fraude » au polyester serait « monnaie courante » dans les chaînes d’approvisionnement de la mode.
D’après Urska Trunk, directrice de campagne senior à la Changing Markets Foundation, « la mode vend du polyester recyclé comme étant une solution verte, or nos résultats montrent qu’il aggrave le problème de la pollution aux microplastiques. Ils montrent ce qu’est réellement le polyester recyclé : une feuille de vigne du développement durable qui sert à cacher la dépendance croissante de la mode aux matières synthétiques. Des ajustements pour une conception plus intelligente et des corrections de fin de processus ne feront que survoler le problème. Les vraies solutions consistent à réduire et éliminer progressivement la production de fibres synthétiques et arrêter de détourner des bouteilles en plastique pour en faire des vêtements jetables. »
Avant même les résultats obtenus aujourd’hui, les écologistes avaient conclu que l’engouement pour le polyester recyclé dans la mode était en grande partie du greenwashing. Les systèmes de recyclage des vêtements en polyester sont considérés comme « importants », mais aussi « en développement » et ils ne peuvent traiter que « 2 % environ de tout le polyester recyclé ». En revanche, le secteur des boissons peut réutiliser à plusieurs reprises des bouteilles en plastique usagées, mais il doit aujourd’hui rivaliser avec les marques de mode pour les récupérer. Dans le même temps, l’utilisation du polyester vierge dans la mode augmente si vite que dans les faits, la part du polyester recyclé a chuté l’an dernier. Le faible coût des tissus synthétiques, produits de nos jours à des niveaux record, a entraîné une surproduction, une surconsommation et une quantités de déchets énormes.
Fin
Le rapport Spinning Greenwash: How the fashion industry’s shift to recycled polyester is worsening microplastic pollution est disponible ici
Notes
[1] Le polyester est de loin le tissu le moins cher du marché de masse, sa production coûtant deux fois moins cher au kilo que celle du coton. Ce faible coût est essentiel à la mode éphémère. Le polyester est devenu le tissu de prédilection depuis l’année 2000 et domine clairement la forte augmentation de la production globale de tissus, qui atteint aujourd’hui un niveau record. La marque de mode ultra rapide Shein, qui lance chaque jour des milliers de nouvelles lignes de vêtements, utilise du polyester pour 82 % de sa gamme. Les conséquences des vêtements moins chers en termes de déchets et de pollution sont tout aussi évidentes. Le consommateur moyen achète aujourd’hui 60 % de vêtements en plus qu’en 2000, mais les conserve deux fois moins longtemps. Les vêtements en polyester sont moins souvent réparés, rarement recyclés en nouveaux vêtements et ont même créé une nouvelle catégorie d’exportation de déchets plastiques (vêtements) vers les pays moins développés, où ils sont principalement brûlés ou mis en décharge. On estime que 120 millions de tonnes de vêtements ont été jetés l’année dernière.
[2] Dans une enquête de Changing Markets de l’année dernière, la plupart des marques prévoient d’utiliser de plus en plus de polyester recyclé, beaucoup s’engageant à effectuer une transition complète ou presque complète d’ici 2030. 116 marques se sont engagées à utiliser jusqu’à 100 % de polyester recyclé d’ici 2025 comme argument phare de leurs allégations de développement durable. Elles attribuent au polyester recyclé un large éventail d’avantages environnementaux, allant de la réduction de la pollution plastique des mers à la baisse de l’utilisation de tissus fabriqués à base de plastique vierge.
[3] L’étude a été menée par le Groupe de recherche sur les microplastiques de l’Université de Cukurova en Turquie, dirigé par le professeur Sedat Gündoğdu et le professeur agrégé Ilkan Özkan. La quantité (moyenne) de microfibres libérées par 14 types de vêtements fabriqués principalement à base de polyester recyclé des cinq marques était de 12 430 fibres par gramme d’échantillon de vêtement. Comparé aux 8 028 des neuf types de vêtements principalement en polyester vierge vendus par trois marques (H&M, Nike et Shein), ce chiffre représente une différence de 55 %. Le manque d’échantillons de vêtements en polyester vierge adaptés de Zara et d’Adidas a empêché une comparaison complète entre les cinq marques. Les fibres de polyester recyclé étaient plus petites que celles de polyester vierge, avec une longueur moyenne de 0,42 contre 0,52 millimètres, tandis que la masse de la pollution aux microplastiques du polyester recyclé était 50 % supérieure à celle du polyester vierge (0,36 contre 0,24 milligrammes par gramme d’échantillon de vêtement). Chaque échantillon testé est considéré comme représentatif des milliers de vêtements d’un même cycle de production.
[4] La production totale de plastique était de 475 mégatonnes en 2022 et elle devrait atteindre 1 200 mégatonnes d’ici 2060. On estime que ce sont désormais quelque 8 000 mégatonnes de plastique qui contaminent l’environnement. Une grande partie de ce plastique provient du lavage des textiles qui le transporte dans les boues d’épuration qui sont épandues sur les terres agricoles. En 2017, les chercheurs estimaient qu’environ un tiers des microplastiques qui arrivaient dans les océans provenaient des textiles. La pollution aux microplastiques est maintenant si répandue qu’elle se retrouve dans la viande, le lait et le sang des animaux de ferme, ainsi que dans les organes de tout le corps humain, où les scientifiques disent qu’elle augmente le risque d’accident vasculaire cérébral, de crise cardiaque, de maladie cardiovasculaire, d’inflammation, de perturbation hormonale en plus d’autres effets, dont des décès prématurés. Plus la quantité de microplastiques est élevée, plus le risque d’effets nocifs est élevé. Les petites fibres présentent des risques plus importants pour l’environnement et la santé, car elles sont plus à même de se propager dans l’environnement et de pénétrer plus profondément dans les tissus. Les fibres de polyester recyclé contiennent souvent un « cocktail chimique » plus fourni de produits chimiques toxiques que le polyester vierge. Les fibres recyclées étant également plus petites que celles du polyester vierge, elles se propagent plus loin dans l’environnement et plus profondément dans le corps des humains et d’autres organismes, selon les scientifiques.
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